Liberté

 

Entretien de Serge Moscovi

La manipulation n'existe pas, car ce terme présuppose l'existence d'être totalement soumis d'une part, et celle d'individus totalement autonomes d'autre part. Il y a un double mythe, un double fantasme qui ne correspond aucunement à la réalité.
Un sujet est libre, non par rapport à des déterminismes extérieurs, mais dans la mesure où il intériorise des données qui lui permettent d'agir, de participer à la vie sociale. L'essentiel n'est donc pas qu'il se sente détaché de toute influence, mais qu'il se sente libre d'agir. Les minorités jouent d'ailleurs un rôle dans se sens, puisqu'elles raisonnent souvent en termes d'alternative et conduisent donc les autres membres de la société à penser autrement. Même si une personne n'adhère pas aux thèses d'une minorité, le simple fait que celle-ci ouvre l'individu à d'autres perspectives modifie son univers de représentations.

 

Les gens ignorent les déterminants de leurs comportements, tout comme ils ignorent les déterminants de leurs jugements, et la raison en est simple : ils n'y ont généralement pas accès. Ils ne peuvent, en conséquence, lorsqu'on les interroge, que mettre en avant la représentation qu'ils peuvent avoir de ces déterminations. Généralement, les gens prétendent connaitre ce qui a pu peser sur leur jugement ou sur leur comportement, cette connaissance est, la pluspart du temps, une méconnaissance (Beauvois, 1994). Les recherches sont nombreuses (Leyens et Bbeauvois, 1997) qui montrent que les gens n'ont pas accès aux déterminants de leurs jugements ou de leurs comportements, même s'ils ont, évidemment, des "théories" concernant ces déterminants. Aussi, peuvent-ils répeter avec la plus grande sincérité à qui veut l'entendre : "c'est pour ceci et pas pour cela que j'ai forgé mon jugement" ou "c'est pour ceci et pas pour cela, que j'ai agis ainsi". Il reste que ces "théories" sont plus belles qu'exactes, leur fonction étant davantage de générer des images confortables de l'homme que de rendre compte au sens scientifique de cette expression. C'est pourquoi, lorsqu'on demande au gens de fournir une explication de leurs jugements ou de leurs comportements, ils se trompent généralement et évoquent volontiers des facteurs (le plus souvent internes) qui n'ont pu opérer et en négligent d'autres (le plus souvent externes) pourtant déterminants (Nibert et below, 1977) (Joule et Beauvois, 1987) (Joule, 1989) ( Dubois et Le Poultier 1991).

 

Les médias ne nous disent pas ce qu'il faut penser mais ce à quoi il faut penser.

 

Extrait de la revue "philosophie magazine" n°16 Février 2008

Nous sommes en 2125. Cela fait vingt ans que les plus grands physiciens ont découvert les lois ultimes de la nature. Depuis, des ingénieurs ont mis au point l'Oracle, un ordinateur permettant de prédire tout le futur de l'Univers. Connaissant tout de l'état présent de l'Univers et des lois de la nature, elle peut prédire avec certitude n'importe quel évenement.

Pendant ce temps, la famille Moquette attend un nouvel enfant, Bernard. Curieuse de connaitre son avenir, sa mère interroge l'Oracle. La machine lui sort un compte rendu de la vie de son fils. Elle apprend qu'il sera successivement chanteur, homme politique, président d'un grand club de football et acteur. Elle découvre également qu'il sera accusé de fraude fiscale et de corruption. Mais cette mère dévouée et aveuglée n'en croit rein et se jure de ne jamais lui en souffler mot.

Bernard grandit et suit la brillante carrière prédite. L'oracle ne se tramponat hélas jamais, il finit aussi par commettre les délits en question. Mais à son procès, le volubile garçon, à qui sa mère vient de raconter la prédiction de l'Oracle, a trouvé une défense qu'il estime inattaquable : bien qu'il reconnaisse avoir commis ces délits, il ne peut en être accusé, car ils avaient été prédits par l'oracle avant même sa naissance ! Ceci prouve bien qu'il n'a pas exercer son libre arbrite et que'on ne peut donc lui en tenir rigueur.

Que penser de cette ligne de défense ? Le fait que ses actes aient été déterminés par les lois de la nature implique-t-il qu'il n'a pas pu exercer son libre arbrite ?

La question qui se pose est : quelles seraient les conséquences sur le libre arbrite si les lois de la nature s'avéraient être déterministes ? Autrement dit, sil les lois de la nature déterminaient l'évolution ultérieure de l'Univers à partir de son état initial, le libre arbrite de l'homme serait-il possible ?

Se selon vous, Bernard Moquette n'a pas pu exercer son libre arbrite, vous êtes incompatibiliste : vous pensez due le déterminisme des lois de la nature et le libre arbrite sont incompatibles (et donc, l'une de ces deux propositions doit être abandonnée). Si au contraire, Bernard Moquette a, selon vous, exercé son libre arbrite, vous êtes comptabiliste.

 

Les 4 valeurs qui sous-tendent à nos stratégies d'actions : D. Schon

Les valeurs inclinent l'individu à :

  1. vouloir garder le contrôle de la situation,
  2. à maximiser les gains et à minimiser les pertes,
  3. à ne pas exprimer de sentiments négatifs,
  4. à apparaître rationnel.

Ces valeurs inclinent les individus à effectuer des attributions, des jugements et défendre leur point de vue sans illustrer leurs propos, sans expliciter leur raisonnement, sans vérifier le bien-fondé des attributions émises ou des évaluations qu'elles ont faites. De telles stratégies conduisent à des incompréhensions et donc à des erreurs en cascade.

 

Qu'est ce qui nous pousse à prendre de mauvaises décisions ? Alin Berthoz, Sciences et avenirs, septembre 2009

  • La tendance à vouloir être d'accord avec les autres : erreurs collectives.
  • La pression sociale, qui conduit les groupes à prendre des décisions plus radicales que chacun de leurs membres, surtout s'il existe une compétion entre les groupes.
  • La domination hiérarchique.
  • L'émotion, car elle ne laisse voir que les solutions immmédiates en négligeant d'autres possibilités.
  • Le désir d'avoir raison.
  • le point de vue selon lequel est exposé un problème peut faire varier la décision : l'ignorance des faits objectifs au profit d'opinion.